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Les Argasidés sont des arthropodes hématophages obligatoires
se gorgeant habituellement sur des oiseaux, des chauves-souris, ou des mammifères.
Parmi les 180 espèces connues, certaines se fixent accidentellement
sur l'Homme ou l'animal domestique. Leur importance médicale et vétérinaire
est grande en raison des pathologies qu'elles transmettent, et des coûts
financiers qu'elles occasionnent.
Selon les régions du Monde et les espèces, elles sont en effet
les vecteurs de plus de 30 espèces d'arbovirus, de bactéries,
de protozoaires et d'helminthes ; sans compter les fréquentes allergies,
chocs anaphylactiques et les paralysies qu'elles occasionnent.
La naturalisation, puis la prolifération, d'espèces sauvages
en ville pourrait constituer un enjeu de santé publique dans les années
à venir, notamment avec les allergies ou certains arbovirus, comme
celui du West Nile (WNV)
Les Argasidés
sont des tiques endophiles, monotropes, particulièrement sédentaires.
Elles ne quittent pratiquement jamais le repaire de leur hôte de prédilection.
En conséquence, elles ne mordent qu'en cas d'intrusion dans leur biotope.
Les Argas sp et les Ornithodoros sp sont les principaux responsables
des morsures chez l'Homme.
Dans la nature, cette morsure lui est infligée par des tiques d'animaux sauvages, lorsqu'il pénètre dans l'habitat de l'hôte parasité : les rochers, les grottes, les zones de nidification ou les zones infestées de rongeurs sauvages. Le groupe à risque est constitué par les personnes ayant des activités de plein air : gardes, ornithologues, photographes ou campeurs
Avec
l'élevage, puis l'urbanisation, l'Homme s'est entouré d'animaux
domestiques et aussi d'animaux synanthropes, vivant à proximité,
sinon dans les habitations. Certaines tiques ont suivi leur hôte et
sont devenues, elles aussi, "synanthropes". La tique et l'Homme
vivent alors dans le même milieu, la morsure survient généralement
lorsque l'hôte préférentiel a déserté son
repaire, et que l'acarien doit se mettre en quête d'un nouvel hôte.
Ce risque menace alors essentiellement les personnes résidant dans
un habitat occupé par des hôtes parasités ; il est indépendant
des catégories socioprofessionnelles ou des activités de loisir.
En Afrique O. moubata, parasite du phacochère, a suivi
le porc jusque dans les maisons en terre battue. Dans les villes d'Europe,
A. reflexus a été importé par les pigeons qui
ont élu domicile sur les toits et les corniches des habitations anciennes.
De même qu' O. maritimus a suivi les goélands. La
croissance exponentielle de ces populations d'oiseaux colonisant les villes
menace la Santé publique [351].
Pourtant, les pathologies
liées aux Argasidae ne font l'objet que de très peu de publication.
Elles ne font l'objet d'aucune surveillance particulière. Leur incidence
en France demeure totalement inconnue, si ce n'est dans certaines villes où
les praticiens sont particulièrement sensibilisés.
Principales espèces d'Argasidés pathogènes
en Europe Voir Les
tiques Argasidae
En Europe les morsures les plus fréquentes chez l'Homme sont occasionnées
par Argas vespertilionis, et par A. reflexus importé
du Moyen-Orient par les pigeons. Des morsures d' Ornithodoros coniceps
sontrapportées en Espagne et en France, chez des personnes ayant séjourné
dans des falaises où nichent des pigeons biset (Columba livia).
Des morsures d'O. maritimus sont aussi régulièrement
observées en France, cette tique commune chez les oiseaux de mer, transmet
le virus Soldado. Cet arbovirus pourrait occasionner un problème de
santé publique en zone urbaine, spécialement là où
prolifèrent les goélands [351].
Les personnes revenant de la péninsule ibérique peuvent être
mordues par O. erraticus, la morsure des larves peut occasionner des
réactions allergiques (A. Estrada-Peña). Mais cette espèce
transmet Borrelia crocidurae et B. hispanica, responsables de
fièvres récurrentes (FR), en Espagne
au Portugal comme en Afrique du Nord. D'autres espèces d'onithodores
transmettent des espèces proches des Borrelia des FR occasionnant
une maladie avec des similitudes sérologiques avec Lyme, mais elles
n'ont pas encore été identifiées précisément
[352].
Principales espèces pathogènes dans le Monde
Espèce |
Pathogène
|
Distribution géographique |
Argas monolakensis | virus Mono Lake | Ouest des États-Unis |
Ornithodoros capensis | virus Soldado | Cosmopolite |
O. coriaceus | Borrelia coriaciae | Côte pacifique États-Unis |
O. erraticus | Borrelia crocidurae Borrelia hispanica |
Afrique du Nord Péninsule ibérique |
O. hermsii | Borrelia hermsii | Ouest des États-Unis |
O. moubata | Borrelia duttoni | Est et Sud de l'Afrique |
O. tartakovskyi | Borrelia latyschevi | Asie Centrale |
O. tholozani | Borrelia persica | Israël, Asie Centrale |
O. turicata | Borrelia turicatae | Sud-ouest des États-Unis Amérique Centrale |
O. savignyi | prurit très intense Virus d'Alkhurma |
Afrique, Asie |
Prévention
La prévention exige l'adoption
de mesures pour se protéger de la morsure des tiques molles et les
éliminer de l'habitat humain.
Dans la nature, il faut éviter de séjourner dans les zones de
nidification ou de terriers de rongeurs.
L'éviction
des tiques de l'habitat urbain passe par la réduction active des populations
de pigeons et de goélands, notamment en évitant de les nourrir
et en stérilisant leurs ufs sur les toits et les terrasses. Des
conseils de prévention peuvent être donnés comprenant
l'utilisation d'un insecticide (DEET) et la réhabilitation de l'habitat
ancien.
La perspective de développement d'un vaccin contre les fièvres
récurrentes à tiques est peu probable en raison de la diversité
des souches.
Les Fièvres récurrentes (Tick-Borne Relapsing Fever ou TBRF
des anglo-saxons ) sont des infections bactériennes provoquées
par des spirochètes du genre Borrelia. Elles sont transmises par un
arthropode vecteur, pou (FR à poux, cosmopolite, évoluant sur
un mode épidémique) ou tique (FR à tiques, endémique,
transmise sur un mode sporadique).
Epidémiologie
La transmission par morsure de tiques molles a été décrite
pour la première fois par Dutton en Afrique de l'est en 1905. Les FR
à tiques sont des pathologies largement répandues dans le Monde,
sauf en Australie. Elles sont provoquées par au moins une quinzaine
d'espèces de Borrelia.
Chaque espèce possède une répartition géographique
bien précise, liée à celle de son vecteur :
Le réservoir de la maladie est constitué par les rongeurs,
excepté pour Borrelia duttonii dont le seul réservoir
connu est l'homme. La morsure de tique molle, généralement nocturne
et estivale, survient le plus souvent à l'intérieur des habitations.
Selon le vecteur, la transmission de Borrelia se produire de plusieurs
façons :
(pour plus d'information voir la page Transmission)
Clinique
Après
une incubation moyenne de 7 jours (3 à 18 jours), la borréliose
débute brutalement par une fièvre à 40-41°C accompagnée
de frissons, de douleurs diffuses (myalgies, arthralgies), de douleurs abdominales
et de toux.
L'examen clinique retrouve une hyperhémie conjonctivale, un syndrome
méningé, une hépato-splénomégalie sensible
ainsi que des adénopathies superficielles. Un rash maculo-pétéchial,
un purpura ou des épistaxis peuvent survenir. La fièvre persiste
en moyenne de 3 à 5 jours, avant de chuter brutalement avec des sueurs
profuses, une débâcle urinaire, une asthénie marquée,
et une régression de la splénomégalie.
Les borrélioses à tiques se caractérisent par une récurrence
de la fièvre (de 1 à 15 épisodes) accompagnée
de céphalées et de récidive de la splénomégalie
(rate "accordéon"). Généralement, la courbe
thermique est très irrégulière, alternant poussées
fébriles pouvant durer de 1 jusqu'à 14 jours et rémissions
de 5 à 14 jours (extrême : 1 à 63 jours) au cours desquelles
le patient continue à se sentir mal. La maladie a tendance à
perdre sa virulence au cours des récurrences, sans que cela ne soit
une règle absolue.
Les infections à Borrelia persica ne donnent généralement
qu'une seule récurrence, alors que B. caucasica est responsable
d'une borréliose mortelle comportant 10 à 15 rechutes. B.
duttonii peut donner jusqu'à 11 rechutes, elle occasionne des altérations
neurologiques importantes avec des convulsions et des déficits moteurs
et des atteintes oculaires. C'est la FR à tiques possédant le
plus mauvais pronostic ; non traitée, elle peut conduire au décès
dans 40% des cas. La mortalité des autres FR à tiques ne dépasse
pas les 5%.
Pendant les accès des complications peuvent survenir :
La FR est particulièrement dangereuse pour les femmes enceintes (avec
un risque 30% d'avortement) et des incidences atteignant 38% dans les enfants
de très bas âge ont été enregistrées chez
les enfants de moins d'un an et 16% chez les enfants âgés de
1 à 5 ans.
Les décès font suite à une myocardite, un collapsus cardio-vasculaire, une insuffisance hépatique grave, une hémorragie cérébrale ou des complications obstétricales.
Diagnostic
Soixante
dix pour cent des patients montrent des spirochètes dans l'examen sanguin
lors des accès fébriles. Le diagnostic repose donc d'abord sur
l'examen direct d'un frottis, après coloration de Giemsa ou par l'acridine.
Il est nécessaire de répéter les examens afin d'augmenter
les chances de positivité.
Les sérologies (Elisa, Westernblot) sont elles, par contre, peu performantes.
L'isolement et la culture de Borrelia sp peuvent être obtenus
à partir du sang prélevé inoculé extemporanément
ou après conservation à -80°C. Mais le long délai
d'obtention des cultures leur fait préférer l'amplification
génique (PCR). Les techniques de biologie moléculaire permettent
une identification des espèces par l'étude comparative des séquences
de gènes codant l'ARN 16S (gène rrs) ou la flabelline.
Traitement
Le traitement diminue le taux de mortalité à 1%, cependant le
pronostic reste sombre pour les patients présentant, un ictère
ou des hémorragies sévères, des troubles mentaux, ou
un intervalle QT long à l'ECG.
L'emploi de pénicilline, de tétracycline ou de macrolides se
montre efficace, mais il expose à une réaction de Jarisch-Herxheimer,
qui peut quelquefois être fatale. Cette réaction due au TNF alpha
se traduit par une angoisse, des sueurs de la fièvre une tachycardie
et une tachypnée suivie d'hypotension artérielle.
Les femmes enceintes et les enfants peuvent être traités par
érythromycine qui doit être préférée au
chloramphenicol.
La
fièvre récurrente à tiques est une maladie transmissible
très souvent méconnue, car elle est aisément confondue
avec la malaria.
Il est nécessaire de penser à la rechercher lors de retour de
zones infestées. L'agent infectieux est souvent visible sur les frottis
sanguins, cependant le peu de spécificité de cet examen peut
rendre souhaitable de recourir à la biologie moléculaire [354,
355, 441].
Pour plus d'information, on se rapportera au
Cahier de formation Biologie Médicale n° 23 de Bioforma. Chapitre
IX. Diagnostic
biologique des borrélioses ou fièvres récurrentes[499].
L'allergie résulte d'une réaction exagérée
et inadaptée de l'organisme, vis à vis de son environnement.
Elle se détermine par rapport à des séquences protéiques
portées par des éléments appelés "allergènes"
(voir Allergies et Ixodidae).
La morsure de la plupart des espèces de tiques molles est souvent responsable
de réactions inflammatoires locales et de réactions allergiques
à médiation IgE. Les réactions sont d'autant plus fréquentes
que les patients sont fortement exposés à ce type de morsures
[356].
Comme le montre bien la thèse de Gibert portant sur 12 observations
de réactions urticariennes après la morsure de la tique du pigeon
en 1896 [357], l'implication
des Argasidés dans l'allergie est connue de longue date.
Cependant, elle n'a encore fait l'objet que de peu de publications concernant
Argas reflexus, et bien moins encore concernant les autres espèces
rencontrées en Europe [197, 488].
Allergies et Argas reflexus
Argas
reflexus est en effet le plus fréquemment incriminé dans
la morsure de l'Homme. L'incident est souvent relaté après l'éradication
des pigeons de l'immeuble, qui impose aux tiques de se mettre en quête
d'un nouvel hôte
Mais il peut survenir jusqu'à dix ans
après leur départ.
Ce sont des acariens aux murs nocturnes, cachés le jour dans
des fissures, les anfractuosités, les nids, ils sortent la nuit pour
se gorger.
À l'exception des larves qui se gorgent lentement, les repas sanguins
sont pris en quelques minutes seulement. La morsure déclenche fréquemment
de sévères réactions allergiques chez l'homme, comme
cela a déjà été décrit dans de nombreux
pays européens (Allemagne, Italie, Pologne, France
) [358].
Des chocs anaphylactiques sont d'ailleurs rapportés dans tous ces pays,
chez les personnes préalablement sensibilisées [359, 360,
488].
À
Strasbourg, 12 cas de chocs anaphylactiques ont été rapportés.
La symptomatologie soudaine et sévère associait des manifestations
cutanées ou muqueuses (12 cas), respiratoires (8 cas), digestives (6
cas), cardio circulatoires (12 cas), aboutissant dans 8 cas à une perte
de connaissance et nécessitant dans 8 cas un traitement en service
de réanimation. Les auteurs décrivent 2 types de réactions
secondaires aux morsures d' A. reflexus. Le premier type est l'envenimation,
le second la réaction anaphylactique à médiation IgE
(urticaire, angio-oedème, chocs anaphylactiques souvent récidivants).
Le diagnostic repose sur l'anamnèse : notion de morsure, survenant
le plus souvent la nuit, à la saison chaude, présence de pigeons
dans l'environnement immédiat, identification du parasite. Il est confirmé
par le dosage des IgE sériques spécifiques d' Argas reflexus
(classe 3 dans 8 des 9 observations où il a été effectué)
[199].
L'anaphylaxie
est une réaction allergique sévère relativement fréquente,
dont l'étiologie reste souvent inconnue, du fait de la difficulté
à mettre en évidence l'allergène causal.
Une étude italienne portant sur les cas non résolus a montré
que certains résultaient de la morsure d'A. reflexus. Elle conclut
sur la nécessité d'interroger systématiquement tout patient,
présentant des réactions nocturnes et récidivantes, sur
son environnement domestique afin de ne pas méconnaître une possible
allergie à la morsure d'A. reflexus [361].
La protéine responsable de la réaction allergique vient d'être récemment identifiée. Il s'agit de la protéine Arg r1, une lipocaline (protéine destinée à empêcher l'inflammation en bloquant l'histamine et la sérotonine) [362].
Une
étude allemande menée à Leipzig chez 148 sujets vient
d'être publiée en 2006. Elle rapporte que 146 (99 %) des personnes
mordues par A reflexus ont présenté des réactions
locales et que 12 patients (8 %) ont eu des réactions systémiques
(urticaire, angio-dème, dyspnée, trouble cardiovasculaire,
perte de conscience). Cependant le type de recrutement, par appel à
témoin, a pu mener à une surestimation des réactions
systémiques. Des prick-tests cutanés, ainsi qu'un dosage d'IgE
spécifiques, ont été réalisés, à
la fois chez tous les patients étudiés et chez un groupe de
20 témoins (avec un extrait de corps total d'Argas contenant
l'allergène majeur Arg r 1). Des prick-tests ont été
également effectués avec des pneumallergènes communs,
pour déterminer la présence d'une atopie; elle a été
retrouvée chez 25 % des sujets mordus ayant développé
une réaction (146/148).
Les prick-tests avec Argas ont été positifs dans 24 cas
(dont 10 atopiques) et des IgE spécifiques ont été détectées
chez 12 patients. Alors que tous ces tests effectués sur le groupe
témoin se sont montrés négatifs.
Ceci confère aux prick-tests cutanés avec Argas une sensibilité
estimée à 67 %, une spécificité à 88 %,
une valeur prédictive positive à 33 % et pour le dosage des
IgE spécifiques une sensibilité estimée à 42 %,
une spécificité à 94 %, une valeur prédictive
positive à 42 % et une valeur prédictive négative à
94 %.
Aucune corrélation n'a pu être établie entre les résultats
des tests cutanés et des IgE spécifiques [363].
L'allergie
à la morsure d'Argasidé doit donc être envisagée
systématiquement lors de réactions nocturnes récidivantes,
particulièrement chez des patients habitants les étages supérieurs
de vieux bâtiments colonisés - ou ayant été colonisés
- par des pigeons ou des goélands. Il est toutefois nécessaire
de signaler que les pigeons, par exemple, peuvent être porteurs d'autres
ectoparasites exposant également à des réactions de type
allergique, tels que la puce du pigeon (Ceratophyllus columbae) [364].
L'identification d'A. reflexus sur les lieux de l'allergie n'est donc
pas élément suffisant pour affirmer son implication dans la
survenue de l'allergie. Pour y être autorisé, il est indispensable
d'obtenir une confirmation allergologique.
Allergies et Argasidés
L'information
concernant l'allergie provoquée par la morsures d'Argasidés
européens autres qu'A.reflexus est extrêment restreinte.
Sans doute en partie, parce qu'elle atteint essentiellement un groupe à
risque très limité, se faisant mordre par des tiques molles
"sauvages" alors qu'il pénètre dans l'habitat d'oiseaux
ou de rongeurs infestés.
Le témoignage des victimes, ainsi que celui d'entomologistes et de
médecins, permet cependant d'établir de manière irréfutable
que la morsure de toutes les espèces présentes en Europe et
en France peut occasionner des réactions inflammatoires ou allergiques.
À savoir Argas persicus, A. polonicus, A. vespertilionis,
A. vulgaris, Ornithodoros coniceps, O. capensis, O. maritimus
ou O. erraticus [197].
Les arbovirus diffèrent des autres virus par leur besoin de recourir à un vecteur, arthropode hématophage, pour infecter un hôte vertébré. Ceux qui sont transmis par les tiques ont dû, en plus, s'adapter à leurs conditions particulières de gorgement et de mue. Ingérés avec le repas de sang, ils pénètrent d'abord sans les cellules de l'intestin, avant de migrer vers les glandes salivaires, afin de pouvoir être transmis lors du repas suivant. Pour y parvenir, ils doivent survivre à la digestion, à la mue, puis infecter au moins un type de cellule où ils pourront subsister. La transmission à l'hôte vertébré s'opère par la salive infectée, le virus pénètre au travers de la brèche cutanée et diffuse dans les tissus, profitant des effets pharmacologiques immunomodulateurs de la salive de tique. Plusieurs virus, au moins trois, profitent de ce phénomène (saliva-activated transmission) et bénéficient d'une transmission non virémique dénommée co-repas (cofeeding des anglo-saxons). Ce phénomène autorise la transmission d'une tique infectée vers une autre qui ne l'est pas, via un hôte vertébré non virémique. Il se montre beaucoup plus performant que la transmission virémique, et présente l'avantage d'être plus durable que les 72 heures d'une virémie moyenne. Les arbovirus profitent également du passage transovarien pour se maintenir chez les tiques [335,365].
Une
trentaine d'arbovirus a été isolée des tiques d'oiseaux
sillonnant toutes les mers du globe. Pour la plupart, ils appartiennent à
8 sérogroupes: Hughes, B, Kemerovo, Quaranfil, Nyamanini, Sakhalin,
Unkuniemi et Upolu. Dans leur grande majorité, ils sont transmis par
2 types de tiques, l'un appartenant au complexe d' Ornithodoros capensis,
l'autre à celui d'Ixodes uriae. Toutes ces tiques se fixent
occasionnellement sur l'Homme et provoquent un prurit sévère,
un syndrome fébrile, ou les 2 à la fois.
Certains de ces virus peuvent provoquer de gros dégâts dans les
colonies d'oiseaux : Soldado, Aride, Saumarez Reef. Des infections sporadiques
touchent l'Homme, avec Soldado par exemple. Des anticorps ont été
trouvés chez les personnes exposées à la morsure d'oiseaux
marins ; ils concernent d'autres virus susceptibles des provoquer des épidémies
(humaines) : West Nile, Tyuleniy, Okhotskiy.
Ce qui devrait alerter les autorités sanitaires [299,338,366].
Les observations de lésions cutanées ou de fièvres consécutives
à des morsures de tiques d'oiseaux de mer sont rares. Les personnes
en contact étroit avec les oiseaux se font surtout mordre au moment
de la nidification. Elles décrivent toutes des lésions cutanées
très prurigineuses et souvent de la fièvre et des vomissements.
La symptomatologie reste invariable quel que soit l'endroit du globe où
les victimes ont été mordues ; que ce soit chez les collecteurs
de guano au Pérou, les ornithologistes sur les côtes bretonnes
ou dans l'Océan Indien.
Les lésions cutanées peuvent être liées à
une réaction toxique ou à une réaction allergique. Etant
donné la nécessité d'une sensibilisation préalable,
il est probable que les réactions allergiques touchent surtout les
personnes les plus exposées au risque (gardiens de réserve,
photographes, ornithologistes).
Le syndrome fébrile s'accompagne souvent d'une rhinopharyngite avec
apparition d'anticorps neutralisants pour un arbovirus proche du prototype
Soldado. Il est proche d'un syndrome fébrile connu à Oman, ou
à Hawaï sous le nom de "fièvre de Laysan". Il
est possible que ce syndrome fébrile transitoire résulte d'une
simple réaction toxique ; cependant la possibilité d'induire
expérimentalement une encéphalite chez l'oiseau par inoculation
du virus Soldado impose la plus grande prudence [197].
Essaouira
est une ville marocaine de la côte atlantique, connue pour héberger
de fortes populations de mouettes, depuis plusieurs siècles.
De surcroît, elle est située sur la branche occidentale du système
migratoire menant les oiseaux des régions afro-tropicales vers les
régions paléartiques. Cette zone mettant d'importantes populations
d'oiseaux au contact de l'Homme est donc particulièrement exposée
à l'émergence de maladies transmises par des tiques ornithophiles.
Elle doit de ce fait faire l'objet d'une surveillance attentive.
C'est pour cette raison que, peu après la découverte du virus
du Nil Occidental en Algérie, 424 tiques d'espèces diverses,
collectées sur place, ont été analysées à
la recherche d'arborivus, de 1979 à 1989.
Trois virus sur quatre détectés, ont été isolés
chez Ornithodoros maritimus parasitant les oiseaux de mer : Soldado
(Nairovirus), Essaouria (Orbivirus) et Kala Iris (Orbivirus). Soldado a également
été retrouvé chez les rongeurs de la région.
Compte tenu de la provenance des migrateurs, il n'est pas possible d'exclure
l'éventualité d'une importation accidentelle du redoutable virus
Congo-Crimée. Heureusement sa présence n'a pas été
détectée pour l'instant [367].
La France n'est pas à l'abri du risque,
la présence d'oiseaux toujours plus nombreux
dans les grandes agglomérations françaises expose la population
citadine à la morsure de tiques "domestiques". La prolifération
des pigeons et des goélands, notamment, menace la Santé
publique.
Dernière mise à jour : le 13 11 2007
Remerciements à C. Chastel, et à B. Pesson (Photos)